Le Danemark a officiellement acté une réforme qui fera date : l’âge légal de départ à la retraite atteindra les 70 ans à l’horizon 2040. Un choix fort, assumé par le gouvernement, qui suscite débat à l’échelle européenne. Alors que de nombreux pays s’interrogent sur la viabilité de leurs systèmes de retraite, ce tournant danois intrigue autant qu’il inquiète.
Un mécanisme d’ajustement automatique de l’âge légal
Ce n’est pas un simple relèvement ponctuel. Le Danemark a instauré un mécanisme automatique d’adaptation de l’âge de départ à la retraite en fonction de l’espérance de vie. Concrètement, si les Danois vivent plus longtemps, ils travailleront aussi plus longtemps. Ce système, voté dès 2006 mais révisé en 2023, prévoit que l’âge légal de départ passera à 70 ans dès 2040.
Actuellement fixé à 66 ans et 6 mois, cet âge augmentera progressivement au rythme des projections démographiques. Selon les autorités danoises, ce dispositif est une réponse « durable et responsable » à l’allongement de la vie et au vieillissement de la population. Il vise à garantir l’équilibre budgétaire du système, tout en encourageant les seniors à rester actifs plus longtemps.
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Une décision motivée par le contexte démographique
Comme dans de nombreux pays européens, le Danemark fait face à une **baisse du nombre d’actifs** par rapport aux retraités. En 2020, on comptait environ 3 personnes en âge de travailler pour 1 retraité. D’ici 2050, ce ratio pourrait tomber à 2 pour 1, selon l’OCDE. Ce déséquilibre menace la pérennité du système par répartition.
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« Nous ne pouvons pas promettre une retraite stable à nos enfants si nous ne tenons pas compte de la réalité démographique », a déclaré récemment le ministre danois du Travail, Ane Halsboe-Jørgensen. Pour éviter d’augmenter massivement les cotisations ou de baisser les pensions, le choix a été fait d’agir sur l’âge de départ.
Réactions contrastées dans la société danoise
Cette réforme fait débat, même dans un pays réputé pour son consensus politique. Les syndicats redoutent une dégradation des conditions de travail pour les seniors, notamment dans les métiers physiques. « C’est une retraite pour les cadres, pas pour les ouvriers », a dénoncé Lizette Risgaard, présidente de la Confédération danoise des syndicats.
Cependant, une partie de la population l’accepte plutôt bien, portée par une culture du travail prolongé et une espérance de vie élevée (83 ans pour les femmes, 80 pour les hommes). Le gouvernement a également prévu des mesures d’accompagnement : incitations fiscales, formations pour les plus de 60 ans, bilans de santé préventifs, et dispositifs pour adapter les postes de travail.
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Un modèle suivi ailleurs ?
La réforme danoise est observée de près par plusieurs pays européens, notamment l’Allemagne, les Pays-Bas et même la France. En Allemagne, l’âge légal passera à 67 ans d’ici 2031. En France, la réforme de 2023 l’a repoussé à 64 ans, déclenchant une forte contestation sociale. Dans ces pays, un mécanisme automatique, comme au Danemark, est évoqué, mais reste politiquement sensible.
« Ce que fait le Danemark, c’est instaurer une règle d’ajustement permanente, sans avoir à redébattre de la retraite tous les 10 ans », analyse Thomas Coste, économiste spécialiste des retraites en Europe. « Cela évite les conflits sociaux, mais cela demande une forte confiance des citoyens dans leurs institutions. »
Une question qui dépasse les frontières
La retraite à 70 ans pourrait encore sembler lointaine. Mais elle pose déjà des questions fondamentales sur la place du travail, la solidarité intergénérationnelle et la définition même de la vieillesse active. Le Danemark, pays souvent cité comme modèle de modernité sociale, a choisi de trancher nettement, avec un pari : que la société s’adapte sans se déchirer.
À l’heure où de nombreux gouvernements reculent face aux mobilisations populaires, la stratégie danoise assume la rigueur budgétaire comme condition de stabilité. Reste à savoir si d’autres suivront.