« C’est la seule façon de garder la tête hors de l’eau » : pourquoi de plus en plus de retraités cumulent emploi et pension

Travailler après la retraite n’est plus une exception. De nombreuses personnes âgées choisissent de reprendre un travail afin de ne pas finir le mois dans le rouge

Des retraités tristes

Face à l’inflation, à la stagnation des pensions et à la hausse du coût de la vie, de nombreux retraités reprennent aujourd’hui une activité professionnelle. Pour certains, c’est une nécessité. Pour d’autres, un moyen de rester actif. Mais dans tous les cas, ce phénomène s’amplifie… et interroge sur l’avenir du système.

Un phénomène en hausse depuis plusieurs années

Selon les dernières données de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), plus de 500 000 personnes âgées de plus de 62 ans cumulent actuellement emploi et retraite en France. Un chiffre en constante progression depuis 2015. La réforme des retraites de 2023, qui a repoussé l’âge légal à 64 ans, n’a pas freiné cette dynamique, bien au contraire.

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“Avant, je me disais qu’à la retraite, j’aurais enfin du temps pour moi”, confie André, 67 ans, ancien carrossier à Rennes. “Mais entre les factures, le prix des courses et le loyer, ma pension ne suffit pas. J’ai repris un petit contrat de 20 heures dans un garage. C’est la seule façon de garder la tête hors de l’eau.”

Des pensions trop faibles pour vivre dignement

Le montant moyen des pensions en France avoisine les 1 400 euros brut, selon la Drees. Un niveau souvent insuffisant, notamment dans les grandes villes ou pour les retraités locataires. Et malgré la revalorisation de janvier 2024 (+5,3 %), beaucoup disent “ne pas sentir la différence” sur leur budget mensuel.

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“J’ai travaillé toute ma vie dans la grande distribution”, explique Marie-Luce, 64 ans. “Je touche un peu plus de 1 200 euros. Seule, avec un loyer, des charges, la mutuelle et maintenant la taxe foncière, c’est tendu. J’aide parfois une amie boulangère le matin. Ça me permet de tenir.”

Quels types d’emplois sont occupés par les retraités ?

Les secteurs qui recrutent des seniors sont souvent les mêmes : commerce, artisanat, aide à domicile, gardiennage, soutien scolaire, livraisons… Des métiers compatibles avec une reprise d’activité souple, parfois à temps partiel, et sans besoin de formation longue. Certains choisissent aussi de devenir auto-entrepreneurs pour proposer des services : bricolage, repassage, baby-sitting ou garde d’animaux.

Les employeurs y trouvent aussi leur compte. “Un retraité est souvent ponctuel, fiable, discret”, souligne Éric, gérant d’un magasin de jardinage dans le Var. “Ils savent ce qu’ils veulent, et ne viennent pas pour faire carrière, mais pour compléter leur revenu. On leur fait confiance.”

Des règles fiscales précises à respecter

Le cumul emploi-retraite est autorisé en France, mais sous certaines conditions. Depuis la réforme de 2023, il est désormais possible d’ouvrir de nouveaux droits à retraite grâce au cumul, sous le régime du “cumul intégral”. Cela concerne uniquement les retraités ayant liquidé l’ensemble de leurs régimes et atteint l’âge légal avec taux plein.

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Attention cependant : ceux qui reprennent un emploi avant d’avoir atteint les conditions du cumul intégral peuvent voir leur pension plafonnée. Et les revenus issus de cette activité sont, bien entendu, imposables.

Un signal d’alerte pour le système ?

Si certains retraités voient dans cette reprise d’activité une façon de “rester utiles” ou de “garder un lien social”, beaucoup évoquent avant tout des raisons économiques. Et cela pose question. Le retour sur le marché du travail d’une population censée être protégée par le système de retraite montre ses limites.

“On devrait pouvoir vivre de sa retraite après 43 années de cotisations. Ce n’est plus le cas pour une part croissante de la population”, déplore un ancien inspecteur du travail aujourd’hui membre d’un collectif de défense des droits des seniors.

Alors que l’âge moyen de départ à la retraite est désormais de 63,4 ans, cette tendance au cumul n’est pas près de s’inverser. Avec la hausse des prix, les restes à charge médicaux, l’explosion des loyers et l’usure progressive des petites pensions, continuer à travailler devient, pour beaucoup, un mal nécessaire.

Guillaume Her

Rédigé par Guillaume Her

Passionné par l’édition web et les découvertes.

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