« C’est un mal nécessaire pour ne pas se retrouver sous la tutelle du FMI » : pourquoi la baisse des retraites est inévitable

La phrase est brutale, mais elle reflète une inquiétude bien réelle au sommet de l’État et chez plusieurs économistes : pour éviter un effondrement du système de protection sociale et préserver la souveraineté financière de la France, une baisse – ou à tout le moins un gel – des pensions de retraite pourrait être envisagée. Une hypothèse qui fait grincer des dents, mais que certains présentent comme un mal nécessaire.

Un déficit public qui inquiète les marchés

La France affiche un déficit budgétaire de 5,5 % du PIB en 2024, bien au-dessus des critères européens. À cela s’ajoute une dette publique qui approche les 3 100 milliards d’euros. Dans ce contexte, les agences de notation et la Commission européenne ont déjà envoyé des avertissements. En juin, Standard & Poor’s a abaissé la note de la France, signalant un manque de maîtrise budgétaire.

Face à ces signaux d’alerte, le gouvernement cherche des marges de manœuvre. Et selon plusieurs experts, les dépenses liées aux retraites, qui représentent plus de 14 % du PIB, pourraient être ciblées. C’est la première dépense de l’État, devant l’éducation ou la santé…

Un système sous pression démographique

Le vieillissement de la population fragilise mécaniquement le système. Selon l’Insee, la France comptera un retraité pour 1,3 actif d’ici 2030, contre 1 pour 2 en 2000. Cette évolution pèse sur les régimes de retraite par répartition, qui dépendent des cotisations des travailleurs pour financer les pensions actuelles.

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“On ne peut pas demander aux jeunes actifs de porter seuls cette charge, alors que leur pouvoir d’achat est déjà affaibli”, estime Clément Lefèvre, consultant en protection sociale. “Soit on augmente les cotisations, soit on diminue les prestations, soit on allonge la durée de travail. En réalité, on fait un peu des trois.”

Gel, revalorisation partielle ou baisse réelle ?

Concrètement, le gouvernement n’annonce pas encore de baisse nette des pensions, mais plusieurs pistes sont étudiées :

  • Un gel temporaire des revalorisations automatiques, qui permettrait de faire des économies sans réduire nominalement les montants.
  • Une désindexation des petites retraites sur l’inflation, ce qui entraînerait une perte de pouvoir d’achat à long terme.
  • Une fiscalisation accrue via l’impôt ou la CSG, qui réduirait les pensions nettes perçues.

Ces mesures sont déjà appliquées en partie depuis 2019, mais pourraient s’accentuer dans les années à venir, en particulier si la croissance reste faible.

Témoignage : “On ne vit pas, on survit avec 1 100 € par mois”

Jeannine, 72 ans, ancienne couturière dans le Loiret, touche une pension de 1 140 € mensuels. “On nous parle d’économies, mais qu’est-ce qu’on peut encore rogner ? Je compte chaque centime, je n’ai plus de voiture, je me chauffe à 18 degrés l’hiver.”

Comme elle, près de 6 retraités sur 10 touchent moins de 1 500 € brut par mois. Une baisse ou un gel de ces revenus serait particulièrement difficile pour les femmes seules, les anciens travailleurs précaires ou les retraités du monde agricole.

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Éviter la “tutelle extérieure”

“Il ne s’agit pas de faire plaisir aux marchés, mais d’éviter une perte de souveraineté”, affirme un haut fonctionnaire sous couvert d’anonymat. “Si nous ne faisons pas les réformes maintenant, c’est le FMI ou la Commission européenne qui les imposera à notre place.”

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L’exemple de la Grèce, contrainte en 2010 de réduire drastiquement les retraites sous la pression du Fonds monétaire international, hante encore les esprits. “Personne ne veut en arriver là, mais l’équation est très tendue”, conclut-il.

Et maintenant ?

Le sujet reste explosif politiquement, surtout après la réforme des retraites de 2023 qui a repoussé l’âge légal à 64 ans. Mais dans les coulisses, l’idée d’un “ajustement silencieux” des pensions circule de plus en plus. Reste à savoir si l’opinion publique l’acceptera… ou s’il faudra encore arbitrer entre équité sociale et rigueur budgétaire.

Guillaume Her

Rédigé par Guillaume Her

Passionné par l’édition web et les découvertes.

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